Ils ont parfois le regard fatigué par les nuits blanches passées à travailler, mais leur sourire est le plus souvent franc et spontané : la vie de croupier n’est pas des plus reposantes, mais elle est souvent très satisfaisante. C’est au Club Pierre Charron que nous avons pu donner la parole à certains d’entre eux, entre deux mains, entre deux pauses, entre deux jackpots. Ils témoignent avec franchise et humanité de ce métier pas comme les autres.

« L’habit ne fait peut-être pas le moine, mais l’habit fait le croupier », plaisante Evan, en poste depuis près de deux ans au Club Pierre Charron. Sa remarque en dit long sur ce métier mal connu : derrière l’uniforme traditionnel, costume trois pièces noir et blanc et nœud papillon autour du cou, se cache une véritable fierté d’incarner un métier de service haut de gamme. « Être à la fois au service du client et de l’ambiance du club », résume ainsi l’une de ses collègues. Le croupier est récipiendaire de la bonne marche d’une salle de jeu, « malgré les pressions inhérentes à tout jeu d’argent », comme le souligne Laurentiu, nouvel arrivant au Club, mais croupier expérimenté depuis plus de quinze ans.


(Evan)

DES PARCOURS DE VIE SINGULIERS

Comme bien de ses collègues, Laurentiu est arrivé à son poste de croupier en construisant sa propre voix. Né en Roumanie, il débute dans un casino local après le lycée, avant de suivre certains de ses compatriotes à l’aventure, au casino Es Saadi de Marrakech. Il y découvre un tout autre univers, plus glamour, avec des parties conséquentes. « Ce que j’aime, ici à Paris, c’est animer des grosses tables. Plus les enjeux sont importants, plus je suis fier de mon métier », analyse-t-il.


(Laurentiu)

Mathilde, d’origine italienne, est également présente au Club Pierre Charron depuis plus d’un an. Formée en Italie dans une école de croupiers, elle a quitté l’entreprise familiale pour tenter la grande aventure de ce métier : « J’ai pensé à devenir croupière car une amie faisait ce métier, et elle l’adorait ».


(Mathilde)

Émilie, 33 ans, a eu un parcours professionnel plus classique : la restauration et l’hôtellerie étoilée, où elle a fait ses armes. « C’était mon rêve de travailler dans le luxe, et puis j’ai eu l’opportunité de travailler dans un casino d’un grand groupe qui ouvrait dans ma région, et ça m’a immédiatement plu. Depuis, je ne ferais aucun autre métier au monde ! »


(Emilie)

Pour Sheryl, c’était le besoin de trouver un métier très vite, afin de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille : « Je ne connaissais les casinos que par les films, c’était un univers inconnu pour moi ! »

(Sheryl)

Quant à Charles, physique de mannequin et sourire ravageur, il est passé par un BTS, une école de cascade puis le développement internet avant de se tourner vers une formation de croupier « par amour des cartes et des beaux gestes ». Ainsi, tous les chemins mènent au tapis vert… surtout celui d’Ilan pour qui la route était toute tracée avec un père et un frère « aussi dans le métier ».


(Charles)

UN MÉTIER À PART SUR L’ÉCHIQUIER SOCIAL

Tous s’accordent sur une chose : devenir croupier, c’est entrer « dans une grande famille », avec ses règles et son mode de vie, un peu à part et en décalage avec le métro-boulot-dodo de leur entourage. « Le plus difficile, mais aussi le plus agréable, c’est de vivre la nuit », racontent Émilie, Evan et Mathilde. « On vit à l’envers des embouteillages et des files d’attente dans les supermarchés », rajoute un de leurs collègues. Même si dans un Club de Jeux comme le Club Pierre Charron, les horaires sont à cheval entre journée et nuit (les employés se succèdent de 13h à 6h du matin), certains ne voient pas souvent la lumière du jour. « Mais le mieux, » précisent Charles et Ilan, « c’est qu’on travaille trois jours à fond et qu’on a ensuite trois jours off pour un vrai équilibre vie pro / vie perso ». Ce rythme un peu particulier « cela créé des liens uniques entre nous au final, » ajoute une croupière. « On est dans tous dans notre monde, et même avec les employés des autres Clubs et Casinos, on se comprend instantanément : on a les mêmes réflexes, les mêmes manies, les mêmes modes de vie. »


(Ilan)

UN VRAI PLAN DE CARRIÈRE ET DES SALAIRES ENVIEUX

Si les rémunérations au plus bas degré de qualification ne sont pas jugées particulièrement attrayantes dans les casinos en province, les clubs parisiens marquent une vraie différence, grâce aux enjeux plus importants misés chaque jour par la clientèle. Mais c’est surtout le potentiel de progression qui séduit beaucoup tous ces jeunes de divers horizons.

Pour Ilan, Charles, Mathilde, Laurentiu, Evan, Sheryl et Émilie, « faire ce métier, c’est savoir que l’évolution peut être rapide. Rien qu’au niveau des échelons de croupier (au nombre de 4 au Club Pierre Charron), en moins d’un an, on peut passer au niveau supérieur, et l’augmentation de la rémunération se fait tout de suite sentir ».

Et même si les croupiers représentent la majeure partie des effectifs d’un club, les jeux ne s’arrêtent pas au métier de croupier : chef de table, chef de partie, membre du comité de direction, directeur des jeux… autant d’opportunités d’évoluer. Mais il n’y a pas que les jeux dans un club de jeux ! La sécurité, le contrôle des entrées, la caisse ou la restauration… autant de métiers qui sont autant d’opportunités professionnelles. Ainsi, Charles, qui a eu un accident hors de son travail et s’est cassé le bras, a pu passer par l’accueil du Club le temps de se refaire une santé. Une expérience qui lui a permis d’élargir son horizon et sa vision du métier: « Occuper différents postes, ça permet de mieux appréhender l’accueil et le service client, et de découvrir toutes les personnes qui participent à rendre l’expérience de jeu agréable, chacun à leur poste. »

Émilie a fait le chemin inverse en commençant par la restauration avant d’arriver aux tables de jeux et elle n’envisage plus d’en partir. Quant aux tables et aux parties, tous et toutes sont polyvalents : ils maîtrisent tous les jeux, du Poker21 (équivalent du Blackjack), à l’Ultimate Poker, en passant par le Punto Banco et les tables de cash-game poker en Texas Hold’Em et Omaha. Ce sont finalement tous les jeux proposés à travers le monde qui sont dealés à Paris (sauf la roulette, que tous espèrent) : autant d’opportunité de mobilité qui font du métier de croupier un vrai métier international.

En matière de jeux, chacun a sa petite préférence, mais ils s’accordent tous à dire que les variations de règles, de modalités de jeux et d’enjeux permettent de ne jamais s’ennuyer et de progresser au quotidien. Ils se voient tous et toutes dans quelques années évoluer encore dans cet univers, en espérant atteindre des postes à responsabilité, encore mieux rémunérés. Comme le résume Émilie dans un grand éclat de rire : « Moi, je ne me vois pas faire autre chose ou aller autre part. Un jour, je prendrai la place du grand patron (Gregory Benac, NDLR – voir son interview dans le Poker52 de mars 2022), j’en suis certaine ! »

Anecdote de Charles :

« Un jour, un client américain qui avait perdu au poker m’a versé en pourboire le tapis qu’il lui restait… à savoir 600 € tout de même ! Le joueur gagnant, quant à lui, ne m’a laissé que 10 €, alors qu’il venait d’empocher un pot de 35 000 €. Cela illustre bien toute la diversité des rencontres humaines. »

PLe point de vue du Chef de Partie :

  • Être croupier en Club Parisien ou en Casino, qu’est-ce que ça change ?

À Paris, ce sont les jeux de cartes qui sont rois, et il y a beaucoupde joueurs, donc plus de tables, avec une grande diversité de jeux. Dans ces conditions, un croupier progresse bien plus vite, dans tous les aspects : savoir-faire et savoir-être.

  • Le Club Pierre Charron est connu pour son exigence : qu’est-ce que cela demande de plus pour le croupier ?

Le savoir-faire technique est recherché par tous les établissements, mais ici nous valorisons tout particulièrement la capacité d’apprentissage et le professionnalisme, qui mènent peu à peu à la maîtrise.

La vraie différence se situe au niveau du « savoir-être » et de la gestion de l’humain, essentiels et travaillés au quotidien par l’ensemble des corps de métiers, pas juste les jeux et les croupiers.

  • Comment s’y caractérise l’encadrement ?

Les croupiers ont des évaluations sur plusieurs critères tous les six mois, effectués par plusieurs responsables. On passe beaucoup de temps, en permanence, sur des points de règles, sur la gestuelle à adopter et la gestion des erreurs les plus communes. Cela valorise les progrès, et participe d’un esprit d’excellence recherché à tous les échelons des jeux.